Publication Remarquable – How do SMEs use support services during their internationalisation process: A comparative study of French traditional SMEs and INVs in Asia
How do SMEs use support services during their internationalisation process: A comparative study of French traditional SMEs and INVs in Asia
Nathalie Belhoste, Rachel Bocquet, Véronique Favre-Bonté and Frédéric Bally
International Small Business Journal: Researching Entrepreneurship, 2019, Vol. 37(8) 804–830
L’article porte sur la comparaison entre les PME ayant adopté un mode dit « traditionnel » d’internationalisation et celles dites « précoces » dans le cas spécifique de l’entrée sur un marché asiatique. Il met au centre de l’analyse les organismes d’aide et d’accompagnement, considérés ici comme une ressource clé pour les entreprises en phase d’internationalisation. Comment les PME s’appuient sur ces organismes, quand et comment font-elles pour s’en saisir ? Si les précédentes recherches portent essentiellement sur les organismes publics d’aide à l’internationalisation ou encore sur le rôle informel joué par les réseaux dans lesquels sont insérées les PME, elles considèrent rarement le rôle joué par les organismes privés œuvrant dans ce domaine. Or, le recours aux unes ou aux autres n’ont pas les mêmes ressorts et n’interviennent pas au même moment dans le processus d’internationalisation. Ainsi, l’article contribue de manière significative à alimenter le débat sur le rôle des structures d’aide à l’internationalisation et propose à cet égard un tableau intéressant récapitulant les recherches portant sur les services d’aide à l’internationalisation qu’ils soient publics ou privés (p.809).
Le design de recherche choisi (méthode des cas) est particulièrement approprié et constitue un réel apport pour comprendre le processus d’internationalisation qui par nature évolue dans le temps. Il mobilise une étude qualitative portant sur 32 cas de PME de la région Auvergne-Rhône –Alpes entrées sur le marché asiatique.
La recherche présente plusieurs résultats. Premièrement, le recours aux organismes d’aide. Avant 2001, les PME n’avaient que peu de choix car le nombre d’organismes d’accompagnement était relativement faible. Depuis 2001, leur nombre s’est considérablement accru au point que l’offre apparait désormais pléthorique voir confuse aux yeux des entrepreneurs. Aujourd’hui, les entrepreneurs recourent en moyenne à plus de 6 structures d’aide, en se centrant essentiellement sur un petit groupe d’entre elles qu’elles soient publiques (CCI, Coface…) ou privées (banques, conseillers juridiques). Ces dernières années, les comportements des PME tendent à se rapprocher. Si les PME « précoces » recouraient peu aux organismes d’aide, elles tendent aujourd’hui à le faire de la même façon que les PME « traditionnelles ».
Deuxièmement, le moment de mobilisation des organismes d’aide. Les PME « traditionnelles » utilisent beaucoup les aident publiques, notamment au démarrage de leur internationalisation. Ensuite, elles se tournent davantage vers les organisations privées qui leur paraissent plus réactives et mieux à même de répondre à la spécificité de leurs besoins. A l’inverse, les PME « précoces » s’appuient davantage sur les organismes d’aide lors de l’intensification de leur internationalisation, et avec l’aide des organismes publics car ils sont le plus souvent gratuits ou peu couteux. Notons également que les entreprises « traditionnelles » perçoivent davantage de barrières avant d’entrer sur un marché asiatique, alors que les entreprises « précoces » affrontent les problèmes une fois sur place (barrières légales notamment). Les organismes d’aide jouent donc un rôle différent pour les unes et pour les autres.
Troisièmement, le lien entre organismes d’aide et réseaux. Les réseaux informels dans lesquels sont insérées les PME jouent le plus souvent un rôle de conseil préalable à la décision d’entrer sur un marché étranger, notamment avant de s’adjoindre les conseils des organismes d’aides. C’est en particulier le cas pour les PME « traditionnelles » lorsqu’elles ont l’intention d’entrer sur un marché Asiatique. Pour les PME « précoces », les réseaux se construisent au cours de leur processus d’internationalisation et viennent en complément des services rendus par les organismes d’aide.
Outre les compléments importants apportés à la littérature sur l’internationalisation des PME, notamment sur le processus et le rôle de l’accompagnement, l’article propose également des résultats pratiques, utiles pour les entrepreneurs. Ainsi, il illustre l’entrée sur les marchés asiatiques, considérés comme très attractifs mais aussi source d’opacité et de déconvenue. Ainsi le tableau 4 reprend un certain nombre de verbatim illustrant des situations concrètes vécues par les entrepreneurs en fonction du profil de leur entreprise (traditionnelle ou précoce) et du stade de leur internationalisation. Si ces témoignages sont indispensables à la validation scientifique, ils peuvent aussi servir d’exemple aux entrepreneurs ou être mobilisés dans le cadre d’un cours de management international.
Entretien avec Véronique Favre-Bonté, Professeure des Universités, IAE Savoie Mont Blanc
Dans quel cadre a été réalisée la recherche ?
La recherche s’inscrit au départ dans un projet Interreg. Mon laboratoire, l’IREGE (Institut de Recherche en Gestion et Economie), a une longue tradition de travail avec l’éco-système local et le montage de projets de recherche financés type ANR, Interreg ou même de gré à gré avec les entreprises locales. Cette recherche a été menée en partenariat avec Grenoble Ecole de Management (GEM), Haute école d’ingénierie et de Gestion de Vaud, Haute école de Gestion – Genève et le Cabinet Export’ease, avec un focus sur l’Asie, et a obtenu un financement pour l’ensemble des partenaires de plusieurs centaines de milliers d’euros. Nous travaillons également, régulièrement, avec Auvergne Rhône Alpes Entreprises et son réseau d’entreprises. En contrepartie, nous organisons des workshops de vulgarisation pour restituer nos résultats de recherche auprès d’un public de PME.
Comment s’est déroulé le process de publication ?
L’article a été présenté à EURAM Conference où nous avons reçu des commentaires utiles des évaluateurs. Nous avions initialement ciblé la revue Journal of International Business Studies (R2 CNRS), mais l’article a été rejeté (desk reject) entre autres sur des points méthodologiques liés à la mobilisation d’une méthode qualitative mais aussi à cause d’une contribution théorique pas assez mise en avant. Ensuite, l’article a passé 3 tours avant d’être accepté dans International Small Business Journal (R2 CNRS). Avant d’envoyer à cette nouvelle revue, nous avions pris le temps de réécrire et de renforcer l’article. A la suite du premier tour, nous avons clarifié le cadre théorique en le reliant aux conversations scientifiques actuelles, clarifié nos analyses et les résultats. Entre le 2ème et le 3ème tour, il fallait toujours convaincre les évaluateurs en améliorant la discussion, en ancrant mieux notre contribution et en précisant les implications managériales. C’est très compliqué de convaincre de la validité de la recherche lorsque l’on adopte un design de recherche basé sur des méthodes qualitatives. La subjectivité des résultats nous est souvent opposée. Le protocole doit souvent être retravaillé en cherchant des articles supplémentaires pour attester de la rigueur des résultats trouvés. Une bonne dizaine de pages est souvent nécessaire pour convaincre.
Où en sont tes recherches aujourd’hui ?
Nous sommes quelques un dans le laboratoire à travailler sur la question de l’international et des PME ; aujourd’hui l’internationalisation des jeunes entreprises constitue le cœur de mes recherches. Une thèse est d’ailleurs en cours pour mieux comprendre les antécédents du processus d’internationalisation des Entreprises à Internationalisation Rapide et Précoce (EIRP), en s’intéressant plus particulièrement au rôle de la diversité dans ce processus d’internationalisation rapide. Une autre thèse devrait débuter autour de la thématique des EIRP à la rentrée prochaine.
Propos recueillis par Valérie François le 10 mars 2020