L’entrepreneur (comme d’ailleurs tout citoyen ou consommateur) est-il d’abord mû par sa raison ou par son émotion ? Le cœur et l’affect l’emportent-ils ? Ou au contraire, y a-t-il rationalisation du choix ? La question qui est au cœur de toute décision importante (un changement de carrière ; une expatriation, un engagement amoureux…) l’est a fortiori pour l’entrepreneur. Un des psychanalystes les plus célèbres et les plus lus (Damasio, 2004) refuse d’ailleurs de trancher le débat en donnant raison à Spinoza pour avoir réussi à rapprocher émotion et raison. Une analyse renforcée par les travaux de Kahneman (2016) qui décrit un paradigme décisionnel basé sur un système binaire : le Système 1 est intuitif (rapide/émotionnel) –c’est le registre de l’émotion- alors que le Système 2 est plutôt basé sur la veille et la planification (lent/réfléchi mais aussi plus fiable puisqu’il repose sur un raisonnement logique et analytique). De fait, comme le note Houdé (2019), notre cerveau privilégie l’un ou l’autre de ces raisonnements suivant les situations. Face à des choses qui semblent routinières, il privilégiera le système 1. Face à des problèmes nouveaux, il pourra valoriser le système 2.
Thèmes et questions à aborder
L’objectif du présent numéro spécial de la revue Entreprendre & Innover est de construire une passerelle entre les neurosciences et l’entrepreneuriat en encourageant un nouveau regard sur les pratiques entrepreneuriales. Les propositions pourront s’articuler autour des questions ci-dessous (sans être exhaustif) :
– Comment les émotions ou l’affect participent-ils à la prise de décision ? Comment les émotions et la rationalité cognitive s’articulent-elles ou se télescopent-elles ? Par exemple, en situation de crise, de résilience entrepreneuriale, du parcours de l’entrepreneur, sur le chemin de construction du projet entrepreneurial, etc.
– Comment les différentes approches des neurosciences peuvent-elles contribuer à enrichir les connaissances et les pratiques des coachs, des accompagnateurs, des enseignants pour mettre en place des programmes adaptés et personnalisés pour les entrepreneurs ? Comment les différents outils pédagogiques favorisent-t-ils les apprentissages et l’agir entrepreneurial ? Par exemple, en quoi l’environnement social, la présence des figures et références d’exemplarité, la manière d’accompagner et d’encadrer les entrepreneurs influent-ils sur les résultats attendus (que ce soit sur l’intention d’entreprendre, sur le développement des compétences entrepreneuriales, sur la concrétisation du projet, etc.) ?
– Apprendre c’est se tromper…, l’échec est-il le levier de la réussite ? Si oui, en quoi ? Y-a-t-il des neuro-mythes « à briser » autour de l’entrepreneuriat ? Peut-on faire de l’échec, un levier d’apprentissage ou une source d’opportunité entrepreneuriale ? En quoi les différentes démarches d’accompagnement, les méthodes et les techniques mobilisées en cas d’échec peuvent-elles faciliter le rebond ? Permettent-elles d’éclairer les risques de dérapage ou d’addiction chez certains entrepreneurs ?