Appel à contributions Numéro spécial de la revue Projectics / Proyéctica / Projectique

Appel à contributions

Numéro spécial de la revue Projectics / Proyéctica / Projectique

« Théorisation et contextualisation de la recherche sur les entreprises familiales en Afrique et dans la région MENA »

Rédacteurs en chef invités :

Mohamed OUIAKOUB, Maître de conférences en Sciences de Gestion,

Université de Lorraine, France

mohamed.ouiakoub@univ-lorraine.fr

Abdenbi LOUITRI, Ancien Professeur de l’Enseignement Supérieur

Université Cadi Ayyad, Maroc

abdou.louitri@lmsmark.com

Pertinence et originalité

La recherche sur les entreprises familiales s’est principalement développée dans des contextes occidentaux, où les institutions, les normes culturelles et les structures économiques diffèrent considérablement de celles que l’on retrouve en Afrique et dans la région MENA (Krueger et al., 2021 ; Welsh & Raven, 2006). Cette domination des modèles euro-américains limite notre compréhension des spécificités et dynamiques propres à d’autres régions du monde (Louitri & Sahraoui, 2014 ; Zahra, 2007 ; Welter, 2011 ; Bruton, Zahra & Cai, 2018 ; Sahraoui & Louitri, 2020).

L’Afrique et le Moyen-Orient offrent des terrains riches pour interroger la diversité des pratiques de gouvernance, de transmission, d’innovation et de résilience des entreprises familiales (Basco, 2017). Dans ces contextes, les dynamiques entrepreneuriales s’ancrent dans des traditions locales (religieuses, culturelles, tribales, etc.) (Sidani & Thornberry, 2010), se confrontent à des environnements institutionnels souvent instables (Zoogah, Peng & Woldu, 2015), et s’adaptent à des ressources limitées. En outre, les mobilités transnationales et les diasporas jouent un rôle clé dans l’ouverture internationale et l’innovation des entreprises familiales (Dana & Ramadani, 2015).

Ce numéro spécial invite à une contextualisation de la recherche sur les entreprises familiales, en mettant en lumière les apports théoriques et pratiques de l’étude de ces contextes particuliers pour proposer des clés de lecture adaptées aux réalités régionales et enrichir la compréhension globale du champ des entreprises familiales.

Axes thématiques possibles

Les propositions pourront porter, entre autres, sur :

  • Gouvernance et leadership : traditions, religion et hybridation institutionnelle

Dans de nombreux contextes africains et MENA, la gouvernance des entreprises familiales combine structures modernes (conseils d’administration, codes de gouvernance, etc.) et logiques traditionnelles (patriarcat, religion, règles tribales, etc.). Cette hybridation soulève des enjeux de légitimité et de leadership, entre pratiques managériales globalisées et normes locales (Sidani & Thornberry, 2010 ; Anderson & Reeb, 2003).

  • Succession et transmission intergénérationnelle en contexte de fragilité institutionnelle

La transmission de l’entreprise familiale est un moment critique, encore plus complexe dans des environnements où les dispositifs juridiques et fiscaux sont instables ou incomplets. Les travaux de Sharma et al., (2003) et Le Breton-Miller et al., (2004) ont montré que les processus de succession conditionnent fortement la survie des entreprises familiales, mais ces modèles doivent être contextualisés aux réalités africaines et arabes, où les successions reposent souvent sur des arrangements informels (Owusu-Acheampong et al., 2024 ; Dana & Ramadani, 2015).

  • Émotions, affects et dynamiques familiales en contexte africain et MENA

Les émotions jouent un rôle central dans la vie des entreprises familiales, influençant la gouvernance, la succession et la cohésion intergénérationnelle. La littérature a mis en évidence le poids des affects dans la stratégie et la continuité (Zellweger & Astrachan, 2008 ; Labaki, Michael-Tsabari & Zachary, 2013), tandis que des approches francophones ont souligné l’importance de la transmission émotionnelle et de l’affectio societatis (Hirigoyen, 2009). Dans les contextes africains et MENA, la dimension émotionnelle prend des formes spécifiques liées à la culture, la religion et les solidarités communautaires, ouvrant de nouvelles perspectives de recherche.

  • Genre et dynamiques générationnelles : rôle des femmes et des jeunes dans la transformation des business models des entreprises familiales

Malgré des contraintes sociales fortes, les femmes et les jeunes générations jouent un rôle croissant dans la modernisation, la digitalisation et l’ouverture des entreprises familiales (Ouiakoub, 2022). Hamilton, (2006) et Ahl, (2006) ont montré les barrières rencontrées par les femmes, mais des recherches spécifiques au MENA soulignent aussi leur capacité à innover et à s’adapter (Durrah et al., 2024 ; El Charani, 2014).

  • Diaspora et internationalisation : apports des réseaux transnationaux et diasporiques

Les diasporas africaines et arabes jouent un rôle majeur dans le financement, le transfert de compétences et l’ouverture internationale des entreprises familiales. Les réseaux diasporiques constituent des leviers puissants d’innovation et d’internationalisation (Discua Cruz et al., 2013 ; Dana & Ramadani, 2015), tout en maintenant un lien fort avec le territoire d’origine (Brinkerhoff, 2016 ; Zoogah, Peng & Woldu, 2015).

  • Résilience et adaptation face aux crises économiques, politiques ou climatiques

Les entreprises familiales africaines et MENA développent des stratégies spécifiques de résilience pour faire face aux crises multiples (instabilité politique, conflits, pandémies, changement climatique, etc.). Ces capacités d’adaptation reposent à la fois sur le capital social et sur les ressources familiales, confirmant les analyses globales de Chrisman et al., (2011) et Carney et al., (2015), mais aussi des recherches régionales (Amann & Jaussaud, 2012 ; Elbanna, 2008).

  • Méthodologies et théorisation contextualisée des entreprises familiales en Afrique et MENA

Les approches dominantes (théorie de l’agence, théorie de l’intendance, théorie de la richesse socio-émotionnelle, etc.) peinent parfois à saisir les spécificités locales. Le recours à des méthodes qualitatives (ethnographie, récits de vie, etc.), comparatives ou interdisciplinaires permet d’enrichir la théorisation et de développer des perspectives indigènes adaptées aux contextes africains et MENA (Zahra, 2007 ; Welter, 2011 ; Bruton, Zahra & Cai, 2018 ; Zoogah et al., 2015).

 

  • Comparaisons régionales et interculturelles entre contextes africains et MENA

L’Afrique subsaharienne, le Maghreb et le Golfe offrent des configurations institutionnelles, culturelles et économiques contrastées. Les comparaisons régionales permettent d’identifier convergences, divergences et hybridations dans la gestion des entreprises familiales, ouvrant la voie à des théorisations plus fines et nuancées (Sidani & Al Ariss, 2014 ; Colli, 2016).

À titre indicatif, les propositions pourront explorer les problématiques suivantes :

  • Comment les logiques institutionnelles hybrides (formelles, informelles, religieuses, tribales, etc.) influencent-elles la gouvernance des entreprises familiales ?
  • Quels modèles de succession émergent dans des contextes marqués par l’instabilité institutionnelle ?
  • Quelle place occupent les femmes et les jeunes générations dans la modernisation et la digitalisation des entreprises familiales ?
  • Comment les réseaux diasporiques et transnationaux contribuent-ils au financement, à l’innovation et à l’internationalisation des entreprises familiales ?
  • Quelles stratégies de résilience sont mises en place face aux crises économiques, politiques ou climatiques ?
  • Quelles méthodologies de recherche permettent de développer une théorisation contextualisée des entreprises familiales en Afrique et la région MENA ?
  • Quelles convergences et divergences peut-on observer entre entreprises familiales du Maghreb, de l’Afrique subsaharienne et du Golfe ?

Bibliographie

 

Ahl, H. (2006). Why research on women entrepreneurs needs new directions. Entrepreneurship theory and practice, 30(5), 595-621.

Amann, B. and Jaussaud, J. (2012). Family and non-family business resilience in an economic downturn. Asia Pacific Business Review, 18, pp. 203–223.

Anderson, R. C., & Reeb, D. M. (2003). Founding‐family ownership and firm performance: evidence from the S&P 500. The journal of finance, 58(3), 1301-1328.

Basco, R. (2017). Epilogue: the multiple embeddedness of family firms in the Arab world. In Family businesses in the Arab world: governance, strategy, and financing (pp. 247-256). Cham: Springer International Publishing.

Brinkerhoff, J. M. (2016). Institutional reform and diaspora entrepreneurs: The in-between advantage. Oxford University Press.

Bruton, G. D., Zahra, S. A., & Cai, L. (2018). Examining entrepreneurship through indigenous lenses. Entrepreneurship Theory and Practice, 42(3), 351-361.

Carney, M., Van Essen, M., Gedajlovic, E. R., & Heugens, P. P. (2015). What do we know about private family firms? A meta–analytical review. Entrepreneurship Theory and Practice, 39(3), 513-544.

Chrisman, J. J., Chua, J. H., & Steier, L. P. (2011). Resilience of family firms: An introduction. Entrepreneurship theory and practice, 35(6), 1107-1119.

Colli, A. (2012). Contextualizing performances of family firms: The perspective of business history. Family Business Review, 25(3), 243-257.

Dana, L. P., & Ramadani, V. (2015). Family businesses in transition economies. Switzerland: Springer International Publishing.

Discua Cruz, A., Howorth, C., & Hamilton, E. (2013). Intrafamily entrepreneurship: The formation and membership of family entrepreneurial teams. Entrepreneurship theory and practice, 37(1), 17-46.

Durrah, O., Ghouse, S. M., & Alkhalaf, T. (2024). Motivations and behaviours of rural women entrepreneurs in Oman. International Journal of Gender and Entrepreneurship, 16(3), 402-421.

Elbanna, S. (2008). Planning and participation as determinants of strategic planning effectiveness: evidence from the Arabic context. Management Decision, 46(5), 779-796.

El Charani, H. (2014). The Success Keys Form Family Firms: Comparison Between Lebanese And French Systems. Lebanese Sciences Journal, 15 (2. pp. 133, 150.

Hamilton, E. (2006). Whose story is it anyway? Narrative accounts of the role of women in founding and establishing family businesses. International Small Business Journal, 24(3), 253-271.

Hirigoyen, G. (2009). Concilier finance et management dans les entreprises familiales. Revue française de gestion, 198199(8), 393-411.

Krueger, N., Bogers, M. L., Labaki, R., & Basco, R. (2021). Advancing family business science through context theorizing: The case of the Arab world. Journal of Family Business Strategy, 12(1), 100377.

Labaki, R., Michael-Tsabari, N., & Zachary, R. K. (2013). Exploring the emotional nexus in cogent family business archetypes. Entrepreneurship Research Journal, 3(3), 301-330.

Le Breton–Miller, I., Miller, D., & Steier, L. P. (2004). Toward an integrative model of effective FOB succession. Entrepreneurship theory and practice, 28(4), 305-328.

Louitri, A., & Sahraoui, D. (2014). Contexte et contextualisation dans les recherches en Management au Maroc. Revue marocaine des sciences de management, (3).

Ouiakoub, M. (2022). Le changement générationnel et le changement du business model dans les entreprises familiales. Management & Prospective, 39(6), 45-94.

Owusu-Acheampong, E., Arkaifie, S. J., Afriyie, E. O., & Azu, T. D. (2024). Factors affecting succession planning in Sub-Saharan African family-owned businesses: a scoping review. Journal of Family Business Management, 14(6), 1099-1118.

Sahraoui Bentaleb, D., & Louitri, A. (Eds.). (2020). Contexte et contextualisation : Mosaïque d’approches en management. Éditions Management & Innovation.

Sharma, P., Chrisman, J. J., & Chua, J. H. (2003). Succession planning as planned behavior: Some empirical results. Family business review, 16(1), 1-15.

Sidani, Y., & Al Ariss, A. (2014). Institutional and corporate drivers of global talent management: Evidence from the Arab Gulf region. Journal of World Business, 49(2), 215-224.

Sidani, Y. M., & Thornberry, J. (2010). The current Arab work ethic: Antecedents, implications, and potential remedies. Journal of Business Ethics, 91(1), 35-49.

Welsh, D. H., & Raven, P. (2006). Family business in the Middle East: An eexploratory study of retail management in Kuwait and Lebanon. Family Business Review, 19(1), 29-48.

Welter, F. (2011). Contextualizing entrepreneurship—conceptual challenges and ways forward. Entrepreneurship theory and Practice, 35(1), 165-184.

Zahra, S. A. (2007). Contextualizing theory building in entrepreneurship research. Journal of Business venturing, 22(3), 443-452.

Zellweger, T. M., & Astrachan, J. H. (2008). On the emotional value of owning a firm. Family Business Review, 21(4), 347-363.

Zoogah, D. B., Peng, M. W., & Woldu, H. (2015). Institutions, resources, and organizational effectiveness in Africa. Academy of Management Perspectives, 29(1), 7-31.

Modalités de soumission

  • Date limite de soumission des articles complets : 31 décembre 2025
  • Les articles doivent être envoyés par courriel aux adresses suivantes : ouiakoub@univ-lorraine.fr

abdou.louitri@lmsmark.com

  • Publication du numéro spécial : 2ᵉ numéro de 2026 de Projectics / Proyéctica / Projectique

Modalités de soumission

  • Langues : français, anglais.
  • Types de contributions : recherches qualitatives, quantitatives, comparatives, théoriques ou méthodologiques ; études de cas et analyses critiques sont également bienvenues.
  • Longueur attendue : 45 000 signes (notes de bas de page, bibliographie finale et espaces compris.
  • Instructions aux auteurs : https://shs.cairn.info/docs/projectique-instructions-aux-auteurs.pdf?lang=fr